mardi 29 septembre 2015

Homme de Mission ! Homme de Passion ! (2)

Suite de notre entretien avec Pierre-Olivier Dolino, pasteur de la Mission Populaire Evangélique au Foyer de la Duchère à Lyon.

Balade juifs-musulmans-chrétiens

FT: Aujourd’hui nous allons parler des activités du Foyer de la Duchère. Revenons d’abord sur votre «Groupe Abraham". Son âge - 30 ans - montre que la nécessité de construire des relations interreligieuses ne date pas d’aujourd’hui.

POD: En effet, on voit un certain nombre d’Eglises locales de l’EPUF s’engager maintenant dans cette direction. Mais la Mission populaire, de par ses lieux d’implantation, s’est confrontée depuis longtemps au multiculturalisme et au pluralisme religieux. Son choix a été d’accepter la réalité « mosaïque » du tissu social, de considérer cela comme une richesse. A la Duchère, nous refusons la frontière entre les différents croyants, mais également entre les croyants et les athées. Il est clair que les chrétiens sont en compagnonnage avec le Christ, mais le socle de l’engagement est pour tous «la bonne volonté» afin de rendre la terre plus habitable, plus fraternelle. Et donc il y a des musulmans qui se reconnaissent très bien dans les valeurs et le travail de la Miss Pop.



FT: Et quels sont les objectifs de ce groupe?

POD: Pour moi, il y a un pari essentiel à tenir: travailler à la connaissance mutuelle, donc encourager la «curiosité» des uns pour les autres, et en même temps approfondir l’affirmation personnelle de sa foi, de ses convictions. Il n’y a pas à faire de syncrétisme, ce ne serait respectueux ni pour les uns ni pour les autres. Parfois au lieu de parler de groupe interreligieux nous utilisons un néologisme: «interconvictionnel» pour bien signifier cet engagement dans l’échange.

Fêtes et rencontres
FT: Et à partir de quelles activités réalisez-vous cet objectif?

POD: Une fois par mois le groupe propose une réunion de lecture des textes des différentes traditions autour d’un thème. Par exemple, cette année il s’agit de «Fraternité et violence» qui se décline comme suit: dans la famille, dans la relation à l’autre, par rapport aux nations. Il faut reconnaître que les plus nombreux sont les catholiques, mais cela correspond aussi à la composition sociologique de notre pays. Puis nous fêtons ensemble les grandes fêtes des uns et des autres, ce qui rassemble entre 80 et 200 personnes.

FT: Souvent on entend déplorer que de tels groupes interreligieux ne touchent qu’une minorité de gens, et n’aient pas suffisamment d’impact pour le vivre ensemble.

POD: C’est difficile à dire mais en tout cas nous intéressons les pouvoirs publics. Ainsi les lieux de culte de la Duchère ont été intégrés par le musée de l’histoire de la ville - musée Gadagne -, dans les Balades à la découverte des lieux de culte. C’est significatif. Et nous participons activement à certains programmes qui concernent notamment la jeunesse. Par exemple, pour les 30 ans du groupe, des débats avec des jeunes vont être organisés à la MJC: «Peut-on rire de tout?», «La 
religion nuit-elle à la République?» et une émission sera réalisée en relation avec 4 radios, à base de reportages sur le rapport au quotidien des jeunes avec le religieux. Nous sommes appelés à travailler de plus en plus avec la Ville et les associations.

FT: Je suppose que le Foyer a également d’autres champs d’action?

POD: Oui, d’autant plus qu’il n’abrite pas seulement l’association 1905 mais également l’association 1901: le Comité protestant de la Duchère, lequel travaille dans deux gros secteurs: culture et convivialité, solidarité et entraide. Quand on dit cela on voit bien sûr qu’il y a cohérence et convergence entre les deux associations et je suis personnellement impliqué dans les deux, comme pasteur dans l’une, comme directeur dans l’autre.


FT: N’est-ce pas un peu compliqué à gérer pour un seul homme?

POD: Ce qui unit tout cela, c’est l’esprit de fraternité et de service, c’est aussi l’engagement fidèle des bénévoles. Enfin c’est la conviction que l’Evangile s’intéresse à tout l’homme et à tout homme. Le Comité organise des dîners-débats mensuels où l’on touche à des tas de sujets sociétaux aussi bien que politiques, des temps de convivialité, des rencontres pour l’échange des talents entre les uns et les autres, des sorties au musée et des soirées-concerts… et au niveau de l’entraide nous avons un vestiaire, nous abritons une permanence juridique de la Cimade, une permanence emploi, une permanence écrivain public…







Carte de vœux 2014 du foyer La Duchère
FT: Comment diriez-vous votre espérance pour l’avenir?

POD: Que de nouvelles personnes trouvent le chemin de l’engagement! Car la fraternité telle qu’elle est comprise à la Mission Populaire est une valeur essentielle pour notre société.

FT: Et c’est source de joie, quand on vous entend! Merci pour ce témoignage.






mardi 22 septembre 2015

Une vocation ! Une maison ! Un quartier ! (1)

Le pasteur Pierre-Olivier Dolino
La Mission s’écrit au pluriel. Nous attendons vos témoignages… mais si vous le préférez, vous pouvez aussi nous suggérer - ou accepter - de vous faire interviewer... Comme le Pasteur Pierre-Olivier Dolino, de la Mission Populaire Evangélique en poste au Foyer de la Duchère à Lyon.

F.T: Pierre-Olivier, cela fait maintenant 8 ans que vous êtes au Foyer de la Duchère à Lyon, dans le cadre de la Mission Populaire Évangélique. De quand date cette oeuvre?

P-O.D: Elle est née au lendemain de la Commune, en 1871, de la visite que réalisa le pasteur anglais Robert Mac All du Paris ouvrier très éprouvé par les combats et la répression de la Commune de Paris. On cite souvent cet appel que lui aurait lancé un ouvrier le jour de sa venue à Belleville: « Êtes-vous un ecclésiastique? Monsieur, j’ai quelque chose à vous dire. Dans ce quartier qui contient des ouvriers par dizaines de mille, nous ne pouvons accepter une religion imposée mais si quelqu’un venait prêcher un autre genre de religion, une religion de liberté et de réalité, alors beaucoup d’entre nous serions prêts à l’écouter ».
Mac All répondit en créant un premier foyer d’évangélisation et d’éducation populaire, et, devant le succès, les salles se multiplièrent. A sa mort en 1893, il laissait 136 salles d’évangélisation et un grand nombre d’œuvres sociales.


Le foyer protestant de La Duchère
F.T: Aujourd’hui la mission populaire apparaît parfois plus comme un centre social que comme un lieu d’évangélisation. Est-ce cet aspect social qui vous a motivé dans le choix de votre ministère?

P-O.D: Attention ! Mac All se vivait comme un missionnaire chargé d’amener les ouvriers à l’Evangile. Et la Mission Populaire est une association cultuelle, régie par la loi de 1905. Mais c’est vrai que très tôt dans son histoire se sont posées ces questions: faut-il une évangélisation explicite, pour faire des membres d’Eglise, ou une évangélisation seulement implicite, par la présence et la solidarité, afin de ne pas rebuter des gens qui ne seraient pas prêts à croire? Et jusqu’où doit-on accepter ou éviter un engagement politique? L’ouverture voulue par la Mission Populaire a fait que peu à peu, on a privilégié le témoignage en actes, la rencontre de l’autre. A la Mission populaire, on appelle les lieux des fraternités ou des foyers. C’est très parlant. Il s’agit d’être, dans un quartier, au milieu des autres, avec les autres, pour les autres, quels qu’ils soient, et de leur offrir une vraie maison, un lieu de vie fraternelle. Autour de cela s’organisent les activités, notamment éducatives et culturelles. Alors quand le public est très divers, avec des gens de religions différentes et des non croyants, on apprend à parler autrement, en évitant tout ce qui pourrait ressembler à du prosélytisme. Mais on célèbre aussi le culte à la Mission populaire, on vit également des célébrations avec d’autres dans le quartier, on a des partages bibliques… Alors pour répondre à votre question, c’est très important pour moi de travailler à l’équilibre entre les deux aspects: social et évangélique.







L'accueil du Foyer
F.T: Vous venez de la mission populaire ?

P-O.D: Je viens du milieu réformé, et dans le cours de mes études, j’ai fait un stage dans une paroisse de campagne. Mais lors d’un week-end avec la Mission dans l’Industrie en Région Lyonnaise, j’ai vécu un véritable appel à aller vers le monde du travail. Et j’ai commencé tout de suite comme proposant au Picoulet, à Paris, où je suis resté 7 ans. Ce qui me plaît c’est la diversité, le côté sans frontière. C’est un peu «écartelant», mais c’est là que je me sens à ma place. Alors, il faut absolument dépasser le débat implicite ou explicite. Ce qui est important c’est de s’adapter aux personnes qui viennent vers nous. Et cela d’autant plus qu’il y a beaucoup de diversité autour des Fraternités.

F.T: Justement, parlez-nous un peu de votre quartier.

P-O.D: La Duchère est un quartier de Lyon qui a été urbanisé dans les années 60, d’abord pour faire face à la grande pénurie et loger les ouvriers des usines locales, puis pour accueillir les rapatriés d’Afrique du Nord à la fin de la guerre d’Algérie. Un peu plus tard sont arrivés des immigrés du Maghreb, et toute cette population a dû faire face à l’inexorable montée du chômage à partir des années 90. Créé en 1963 à l’initiative des protestants lyonnais, le foyer a accompagné toutes les transformations du quartier sur quarante ans. Grâce à l’engagement d’une soixantaine de bénévoles, il est vraiment bien inséré dans le tissu social, ecclésial et culturel du quartier et plus largement de Lyon. Et le travail dans trois directions complémentaires: le cultuel, le culturel et le social. Cet équilibre est essentiel et c’est ce qui nous a permis depuis longtemps de travailler en particulier à la fraternité interreligieuse. Une des réussites est le groupe Abraham qui réunit depuis 30 ans des chrétiens, des juifs et des musulmans, et qui fait un excellent travail, reconnu, non seulement dans le quartier, mais également au niveau des pouvoirs publics de Lyon.
Visages JL Leclerc, exposé au Foyer


mardi 15 septembre 2015

La Mission s’écrit au pluriel

Voyages, visites, accueil, rencontres œcuméniques et interreligieuses, repas, chants, conférences, expositions, lectures, manifestations de rue…, les différents témoignages reçus sur notre blog témoignent bien de l’aspect multiforme de la mission aujourd’hui. En réalité la mission est moins une œuvre spécifique d’évangélisation que l’écoute et l’accueil de l’Esprit de vie dans toutes les œuvres de l’Eglise et de ses membres.



En quoi peut-on qualifier tout cela de missionnaire ?

Au cœur il y a la Parole qui nous fait vivre, et de cette Parole naissent des intuitions, des idées, des projets, des espérances, des possibilités, des réalisations. Si nos entreprises ne sont pas animées par l’Esprit missionnaire, elles se transforment en tâches et responsabilités utiles, nécessaires ou simplement souhaitables, mais nous les vivons rapidement sur le mode du devoir, avec le même soupir que Marthe affairée au service de la maison et se plaignant que sa sœur Marie captivée par Jésus ne l’aide pas. Autrement dit la joie de servir s’essouffle sous la fatigue.

Si en revanche nous nous vivons comme envoyés, missionnés, nous nous sentons renforcés et soutenus par Celui qui habite notre être car c’est à lui que finalement nous rendrons des comptes, alors nous devenons plus disponibles et plus tolérants avec les autres dans notre partage des tâches et des responsabilités. Nous pouvons même accepter avec humour d’être parfois des « serviteurs inutiles ».


Mais l’Esprit de mission a son rythme, qui n’est pas tout à fait celui du monde! Sa respiration est plus lente et plus profonde.
Avant la décision il demande l’écoute, pendant et après l’action il suggère la méditation et la prière. Mais quels que soient les fruits, c’est dans la reconnaissance et l’action de grâce que nous trouverons de nouvelles idées, de nouveaux projets, et le désir et la force de les mettre en route.

Alors n’hésitez pas : témoignez de toutes les actions missionnaires que vous vivez au sein de vos communautés, associations, rencontres …. Nous en serons tous nourris!















mardi 8 septembre 2015

Art et Bible à Limoges - Une mission œcuménique : faire connaître et aimer la Bible à un large public à travers les œuvres d’art.




Depuis maintenant six ans l’Association « Expo Bible Limousin », fondée par les Eglises adventiste, assemblée de Dieu, baptiste, catholique, copte et réformée ainsi que la communauté juive, organise à Limoges un cycle de quatre conférences audiovisuelles annuelles. 


Dès le départ l’objectif a été double: culturel et spirituel. Il s’agissait de montrer comment la Bible a nourri et marqué toute notre histoire de l’art, et qu’il est donc difficile de parcourir les musées sans une base de connaissances bibliques. Mais au-delà du savoir, le désir a été d’exposer comment toute œuvre correspond à une interprétation personnelle et originale de la scène choisie et des personnages représentés par l’artiste. Pour cela, les intervenants des conférences ont travaillé en binômes, composés à chaque fois d’un bibliste et d’une personne formée à l’analyse des images. Chacun des deux s’est évertué à rendre sensible la problématique existentielle des textes choisis : l’homme devant Dieu, les relations familiales, l’exil, la violence, le pouvoir…


La première année a été consacrée aux récits d’origine : la sortie d’Eden, le meurtre d’Abel par Caïn, le déluge et la construction et la destruction de la tour de Babel ; la seconde s’est concentrée sur l’histoire des Patriarches : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph ; la troisième sur Moïse : l’enfance et la révélation de Dieu, la sortie d’Egypte, le don des tables de la loi, le veau d’or ; la quatrième sur des femmes d’Israël : Ruth l’étrangère, Judith ou le meurtre parfait, la fille de Jephté, Esther la courageuse, la cinquième sur Israël au temps des rois : Salomon le Magnifique, Samuel et Saül, David et Bethsabée ; la sixième sur la vocation prophétique : Ésaïe, le voyant, Jérémie, de la lamentation à l’espérance, Ézéchiel, le guetteur, Jonas, le prophète englouti.


Depuis six ans le succès ne s’est pas démenti, et ce sont environ 300 personnes qui se sont rassemblées à chaque fois pour admirer les chefs-d’œuvre et percevoir, grâce à une approche inédite, les répercussions nouvelles de la Bible dans leur existence. Cet intérêt prouve, s’il en était besoin, que la Bible est bien Patrimoine mondial de l’humanité. Les idées et les talents des uns et des autres nous permettent de la faire vivre et parler bien au-delà des religions et des cercles confessionnels.
Passionnante mission!


mardi 1 septembre 2015

Une démarche interreligieuse pour combattre les fanatismes

Fin février, quelques temps après les attentats de janvier, deux cents personnes de toutes convictions ont choisi de se rassembler pour une conférence interreligieuse tant l’urgence et la nécessité du dialogue s'imposaient. Cette conférence, sous forme de table ronde, a eu lieu à la paroisse EPUdF des Batignolles.
Cela fut un véritable événement!

Quatre intervenants (musulman, juif, catholique et protestant) ont pu montrer comment, dans chacune de leurs traditions, il est nécessaire de combattre des dérives propres, et comment nous pouvons, ensemble, nous dresser contre le fanatisme partout où il se niche.

Voici ce qui a semblé indispensable :

  • Revenir au Coran dans son contexte, sans se laisser manipuler par une tendance minoritaire qui prétend le lire pour aujourd'hui de manière radicale et meurtrière.
  • Prendre au sérieux la question du vivre ensemble, sans naïveté mais sans les peurs ni les rejets qui font le lit de l’intégrisme.
  • Relire nos textes, y compris les textes violents, comme un miroir de notre condition humaine qui comporte de la violence. Et nous demander comment canaliser spirituellement cette violence.
  • Analyser nos pulsions, intimes et profondes, qui provoquent de la violence, afin de les dépasser.
  • Combattre nos «fanatismes passifs», c'est-à-dire nos manières de parler qui, même sans que nous le voulions, peuvent dériver vers des formes de rejet de l’autre et basculer vers le fanatisme. La prétention à la Vérité crée le rejet qui peut devenir violence réelle. Nos mots peuvent parfois engendrer des maux.


Tous les retours que nous avons eus de cette soirée sont plus qu’encourageants.

Oui, nous devions le faire et créer ainsi cet élan de vérité et de fraternité entre nous.

Oui, nous avons des différences. Mais nous apprenons par le dialogue que le véritable esprit critique passe par une autocritique humble et, par ailleurs, nécessaire parce qu'elle rend possible la critique fraternelle de l’autre.

Un constat positif qui est un appel à poursuivre cette démarche interreligieuse. 

Nous poursuivrons donc sur ce chemin. L’évangile est pour nous la référence et la source d’inspiration. Il nous invite à aller vers les autres et à les accueillir, non comme des jumeaux, mais comme des frères et sœurs.